Association des Éleveurs de Chevaux de Race Camargue

A la découverte d'une manade

En vous promenant sur une draille de bon matin, d'un pas tranquille en direction du soleil, tandis que vous avancez, se lève la brume matinale. La Camargue vous apparaît alors, vaste plaine imprégnée d'eau et baignée d'une douce lumière. Terre salée, peuplée d'une végétation faite de sagno, de triangle et de typha sur la zone humide. En bordure de cette baisse, une pelouse parsemée de joncs... et dans le lointain, les enganes, la fraumo, la soude... là-bas, sur une montille, pâture la manade de rosso...

 

En liberté sur de vastes étendues...

La manade, un troupeau de chevaux ou de juments élevés selon un mode traditionnel, qui remonte à des temps très reculés, anachronisme en notre époque où l'on s'éloigne de plus en plus des formes de vie inscrites dans le cycle de la nature.
C'est le type d'élevage extensif qui a façonné la Camargue, modelant un cheval exceptionnel : rustique, frugal, particulièrement résistant.

Vivant en liberté sur de vastes étendues, la manade constitue une société à part entière.

La naissance des poulains

Dès les premiers jours du printemps, les poulains naissent sans aucune intervention de l'homme.

Au moment de mettre bas, la mère s'écarte du troupeau pour gagner une levée de terre, à l'abri des roseaux ou d'un tamaris, loin des regards. Soucieuse de protéger son poulain, elle restera quelques temps à l'écart, avant de s'intégrer à nouveau au groupe de ses congénères.

Le poulain attache étroitement ses premiers pas (maladroits mais bien vite assurés) à ceux de sa mère.

Les naissances se succèdent et l'on voit bientôt les poulains, vifs et gracieux, affirmer leur vitalité, amorcer de brefs galops dans tous les sens, se mesurer les uns aux autres en des joutes enjouées.

Ils manifesteront sans tarder des velléités d'indépendance, tout en apprenant les règles de la manade, sa hiérarchie.

Le grignon

Le printemps, époque des naissances, est aussi celle des saillies...

La vie de la manade s'écoule lentement sur les pâturages en la présence vigilante d'un étalon : le grignon.

A cette période de l'année, les bêtes affectionnent particulièrement les baisses de leur territoire.
Au fur et à mesure que le soleil décline sur l'horizon, tandis que la lumière s'adoucit, que l'air se rafraîchit, les bêtes remontent sur les auturo.
 

L'automne

A l'automne, les poulains se sont déjà grandement affranchis. Les mères, aux ventres lourds de leur future progéniture, ont peu à peu relâché leur surveillance. Le sevrage progressif des poulains s'accentue.

L'automne annonce pour eux de grands changements. Ils seront séparés de leurs mères et marquéss au fer de la manade, appliqué sur la cuisse gauche. Toute leur vie, elle attestera leur origine.

 

L'hiver

L'hiver les rapproche de la société des hommes : ils entrent pleinement dans leur future vie d'adulte. Mis à l'attache en écurie, ils sont fréquemment "maniés", rassurés, abreuvés et nourris à satiété. Ainsi se familiarisent-ils à jamais avec la présence de l'homme.

La confiance établie, les poulains sont relâchés avec leurs congénères nés les années précédentes : doublen et ternen, respectivement âgés de deux et trois ans.
 

Voici que les jours grandissent à nouveau !
Ainsi se clôt la première année de notre poulain...


Deux ans plus tard, il sera en âge d'être monté. Loin de son marais natal, il se retrouve attaché à l'écurie, à proximité d'un cheval d'âge et d'expérience qui lui servira de "maître d'école" au cours de son initiation de cheval de selle.
Très vite, il prend l'habitude de partir chaque matin, sembéjé par son futur cavalier. Sellé, bridé, tenu en dextre, il partira au côté du cheval monté, pour se préparer à sa future vie de monture.

Ce matin, c'est le grand jour ; ils sont deux cavaliers : l'un qui, comme d'habitude, le tien en dextre, et l'autre qui, soucieux d'apaiser ses craintes, agissant avec précaution, le flattant de la voix et de la main, s'essaye à la monte, le pied à l'étrier, avant de se décider à l'enfourcher.

Le voici en selle ! Les voilà tous les quatre engagés dans une nouvelle aventure !

Le Gardian

Le gardian reste particulièrement attentif, prêt à calmer toute velléité d'insoumission de son cheval, qui, un jour, deviendra peut-être le cheval du pelot. Quelques jours seront nécessaires avant que tous deux ne prennent leur totale indépendance.

Dès lors, le gardian n'aura de cesse de parfaire sa formation, l'initiant aux tâches multiples propres aux chevaux de métier. 

Longue peut être la période d'apprentissage en présence des taureaux, au regard du savoir et de l'expérience qu'exige la conduite du troupeau. En particulier, lors du tri des bêtes destinées aux courses à la cocarde.

La fête des Gardians

Aujourd'hui 1er mai, c'est en Arles la fête des gardians.

Notre cheval parcourt les rues, monté par le gardian et son arlésienne en croupe, pour aller retrouver aux arènes les autres cavaliers.

Là, selon son habitude, il se donnera avec dévouement pour son cavalier, à travers les jeux de gardians, défendant ainsi les couleurs de la manade.

Et, le soir venu, avant d'être lâché pour s'en retourner aux marais, avant qu'il ne détale vers sa liberté retrouvée, son maître lui accordera une ultime récompense, cette tape de la main sur l'encolure qui veut dire : "Va mon ami"...